Podcasts
Dans le cadre des Rencontres photographiques du 10e, l’Union des Photographes professionnels est allée à la découverte de nos lauréat·es à travers des podcasts.

Rencontre avec Elsa Kostic
Et si nos sociétés ne régissaient pas la façon dont nous nous représentons, à quoi ressembleraient nos identités ? Voici le constat de départ d’Elsa Kostic lorsqu’elle imagine XYX-XO, un chromosome sexuel pouvant se réinventer à l’infini et qui, hors de tout contrôle, permet une exploration infinie de soi. Il est donc ici question de genre, d’identité, à travers la transformation. En créant un dialogue fort avec ses modèles, les portraits d’Elsa deviennent de véritables « cartes blanches », leur permettant d’illustrer leur nature véritable. Après avoir vécu 6 mois au Brésil en 2016 avec la communauté LGBTQIA +, avec laquelle elle a tissé des liens forts, il lui semble évident de revenir en 2020 pour un projet artistique commun. Dans un pays où le taux d’homicides de transsexuels est le plus élevé au monde, elle réalise alors à quel point il est risqué d’avoir une proposition en dehors des normes culturelles et des standards en vigueur.
Marquée par la très grande fierté de cette communauté LGBTQIA + à Sao Paulo, dans un contexte extrêmement violent, elle décide alors de les mettre sous les projecteurs. Être fier et narcissique, c’est aussi oser être soi-même !

Rencontres avec Brice Dossin et Paul Hennebelle
Brice Dossin
Xmas Vindaloo raconte les fêtes de Noël à Goa, petite enclave chrétienne de la côte Ouest de l’Inde à la réputation sulfureuse. Ancien comptoir portugais, Goa s’est fait connaître en Occident dans les années 1960 pour avoir accueilli des communautés hippies. Goa est aujourd’hui un mélange improbable de hippies à la retraite, d’amateurs de musique électronique, de touristes indiens, de baba cools, de chiens errants, de vaches non domestiquées, tout cela agrémenté d’une pincée d’épices locales.
Lors de son séjour dans cette station balnéaire pas comme les autres, l’auteur a croisé plus d’une fois Jésus, le Père Noël, d’effrayantes vaches sacrées, des chiens à l’allure folle, des ravers tatoués, des rêveurs moustachus, des stoners tourbillonnants, des jongleurs colorés, des maîtres de yoga, des mystiques en lévitation… Un véritable conte de Noël sous le soleil implacable de l’Inde !
Paul Hennebelle
Le projet Brown Eyes and Sand dresse un parallèle entre la reconstruction de Beyrouth et le sentiment de claustrophobie ressenti par la plupart des jeunes libanais. Il raconte la genèse du soulèvement national et de la crise économique et politique que connaît le pays depuis octobre 2019.
La capitale libanaise est un chantier perpétuel et la jeunesse d’ici a été façonnée par le rythme des marteaux piqueurs. Dans un désordre total, les gratte-ciels poussent inexorablement, bouchant petit à petit la vue sur l’horizon méditerranéen. Des ruines nouvelles viennent s’imbriquer dans les ruines anciennes, formant ainsi un puzzle dont la découpe aléatoire fragmente encore davantage le paysage. Cette jeunesse beyrouthine se cherche encore une identité, et tente d’oublier un passé qu’on leur a imposé. On refait ici chaque jour le monde et on échafaude des plans pour fuir.
La mer Méditerranée incarne justement ce monde de l’entre-deux : espace ouvert et fermé, à la fois limite de la déambulation urbaine et espoir de partir vers d’autres villes. Et derrière les grands voiles qui couvrent les buildings inachevés, une nouvelle ville est en gestation. Mais la relève libanaise désabusée et fière regarde déjà vers la mer blanche. Au revoir infini et retour perpétuel.

Rencontres avec Chloé Sharrock et Mathias Benguigui
Chloé Sharrock
Les cendres de Raqqa.
Syrie, Mars 2011. La vague révolutionnaire du Printemps Arabe gagne la Syrie. Le soulèvement populaire sera cependant rapidement réprimé dans le sang par le régime totalitaire de Bachar Al-Hassad. À Raqqa, il faudra attendre le printemps 2013 pour que la fièvre contestataire pousse la population à se soulever et ainsi voir les statues représentant Bachar Al-Hassad être renversées. La ville sera l’une des premières à être reprise par l’opposition menée par l’Armée Syrienne Libre.
Mais très vite, le groupe djihadiste Al-Nusra prend le dessus, puis en 2014 vient l’instauration du califat par le groupe État Islamique, faisant de Raqqa sa capitale. Il faudra attendre 2017 pour que les frappes de la coalition internationale et des Forces Kurdes libèrent enfin la ville. Détruite à 80%, Raqqa n’est plus que cendres et ruines. Aujourd’hui, le drapeau des Forces Démocratiques Syriennes surplombe la place de l’horloge, auparavant ornée de l’étendard noir de l’État Islamique. Mais que reste-il vraiment de Raqqa ? Parmi les décombres de la ville, la vie repousse comme une mauvaise herbe entre les fissures d’un sol trop sec. Raqqa, dix ans après, se relève péniblement.
Mathias Benguigui
En 2015, Lesbos devient le foyer du plus grand mouvement de population en Europe depuis la 2nde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas d’un événement inédit pour l’île grecque, passage entre l’Orient et l’Occident, qui voit se succéder les vagues migratoires depuis l’Antiquité. Près d’un siècle après la grande catastrophe de 1922, ce sont les descendants des 45 000 grecs orthodoxes originaires d’Asie Mineure déportés suite à la défaite face à la Turquie, qui viendront porter secours aux réfugiés des temps modernes.
De 2016 à 2020, Mathias Benguigui scrute les traces laissées dans le paysage et collecte avec Agathe Kalfas des récits réels ou imaginaires, mettant en perspective les différentes strates de migration sur l’île. Les exils d’hier et d’aujourd’hui s’observent, mais le dialogue est rompu. Lesbos ne serait-elle pas devenue le miroir du Champ de l’Asphodèle, ce lieu mythologique des enfers où les âmes n’ayant commis ni crime ni action vertueuse, séjournent sans but et patientent éternellement ?
Naviguant aux frontières du documentaire et de la fiction, ce travail invite à une autre lecture des problématiques contemporaines de Lesbos, territoire ultra-médiatisé, en faisant dialoguer traces du passé, mythologie et mémoire collective de la migration.

Rencontres avec Lívia Melzi & Daniel Mebarek
Identité et reconstruction à travers 2 histoires : Histoire familiale / histoire d’une communauté
Lívia Melzi
Etude pour un monument Tupinambá est un volet d’une recherche intitulée L’Enrichissement des collections, projet qui interroge le sens des archives au sein de certaines collections, et l’élaboration des relations de pouvoir entre la culture européenne et le territoire dit brésilien. Ici, la plume relie matériellement deux espaces abstraits de représentation. Ce symbole identitaire indigène est peinte ou protégée par une vitrine, se faisant elle-même fiction à « déconstruire ». La photographie cherche ici à documenter une réalité en l’informant.
C’est à partir d’un ensemble d’archives photographiques que le savoir-faire des manteaux est ainsi transmis, restitué aux descendants Tupi. Parmi lesquelles Glicélia, dont le geste politique et esthétique de restauration du manteau est accompagné pour son autoportrait. L’Enrichissement des collections est construit à partir de l’élaboration continue d’un cahier, qui organise une collection hétéroclite.
Ce cahier documente l’expérience de recherche, cherchant à faire voir autrement ces objets et l’imaginaire construit par les discours des collections européennes.
Daniel Mebarek
Le projet La Lucha Continua a débuté en 2019 en réponse à la crise post-électorale en Bolivie qui a fait 33 morts et des centaines de blessés. Dans son pays en proie à l’incertitude, Daniel a ressenti le besoin de se plonger dans les archives de son oncle et de son grand- père, tous deux militants politiques de gauche. C’est à travers le procédé photographique du cyanotype qu’il a décidé de réinterpréter ces documents familiaux précieux. La lumière du soleil, indispensable au cyanotype, devient ainsi métaphore et permet symboliquement d’éclairer l’histoire de sa famille tout en soulignant le lien intime et matériel entre ces documents et le passé.
La série mélange archives cyanotypées et photographies contemporaines créant ainsi un dialogue entre passé et présent. À travers le médium photographique, Daniel Mebarek aborde aussi la question de la violence d’État en Bolivie, de la mémoire collective mais également de ce que représente l’identité nationale dans le contexte de la Bolivie.